Avez-vous entendu parler de la nouvelle norme ISO 16128 ?
Peut-être pas, mais je peux vous garantir qu’elle fait son effet dans le petit monde de la cosmétique bio ; et avec raison.
Alors, ouip, le sujet n’est pas funnissime pour le coup.
Maiiiiiis, si comme moi vous n’aimez pas être pris(e) pour un(e) imbécile, je vous conseille très fortement d’y jeter les deux yeux.
La norme ISO 16128 a été publiée en deux parties.
Kézako ?
Une norme n’est pas une loi. C’est un référentiel d’harmonisation, afin que tous les organismes partent sur les mêmes bases et parlent le même langage, en quelque sorte. De manière générale, les normes ISO sont plutôt réputées pour leur sérieux.
La norme ISO 16128 a été travaillées en 2 parties. La première, en 2016, définissait 4 types d’ingrédients : biologiques, dérivés biologiques, naturels et dérivés naturels.
C’est la seconde partie de cette norme (qui rentre en vigueur cette fin d’année) qui pose singulièrement problème.
En effet, si on se réfère strictement au texte de cette nouvelle norme :
- pas de pourcentage minimal de bio dans un produit fini ( Ben tiens !)
- Présence d’OGM tolérées ( Allons-y !)
- pas de « liste noire » d’ingrédients : présence de composants controversés dans les formulations des produits, comme le phénoxyéthanol, les parabènes, les silicones ou les dérivés d’animaux morts. (Eeeek !)
Nous y reviendrons.
C’est la porte ouverte à toute les fenêtres.
N’importe quel produit bourré de composants chimiques et qui utilisera un petit pourcentage d’ingrédient bio au milieu des autres pourra se revendiquer comme bio.
Vive le Greenwashing.
Cette norme est un véritable cadeau aux entreprises de cosmétiques conventionnelles, qui vont pouvoir bénéficier du mouvement « bio » et se remplir les poches en continuant à vendre des produits qualitativement catastrophiques aux consommateurs inconscients du danger.
Quant aux entreprises qui elles travaillent sur de véritables produits bios, c’est tout simplement une catastrophe. Il sera difficile de s’aligner sur les prix de produits pétrochimiques qui se revendiquent « bio ».
Une solution est de prévenir les consommateurs que le terme « bio » ne signifiera en l’état plus grand chose, et surtout qu’il n’est pas un label. Pour s’assurer de la qualité d’un produit, il faudra regarder non pas le terme « bio » mais le LABEL affiché.
Alors, voilà, JE VOUS INFORME !!!!
Blague à part, c’est l’occasion de faire un point sur les différents labels de cosmétique bio.
Je ne saurais trop vous conseiller d’y jeter un œil, afin de définir ce qui vous plait, ce qui vous importe, et de commencer à chercher ces labels en plus de la mention « bio » sur vos produits d’usage quotidien. (Ex : « Cosmos, le cahier des charges international fondé par Cosmébio, Ecocert, BDIH, ICEA et Soil Association (les équivalents de Cosmébio en Italie, Allemagne et au Royaume-Uni) « )
Pas de panique, les labels n’ont pas attendu la norme pour être affichés 😉
Je me suis permise d’insérer les illustrations de dossiers de presse Cosmebio, avec l’aimable autorisation de la chargée de communication de l’Association Professionnelle de Cosmétique Ecologique et Biologique (que je remercie par ailleurs !)
Suite à un échange de mails, cette personne m’a très gentiment précisé les tenants et aboutissants de cette norme, allant même un peu plus loin que ce que j’avais compris :
« – Définition du naturel au rabais :
Pour être considéré comme un dérivé naturel, un ingrédient doit être composé à plus de 50% par des matières premières naturelles.
On pourra donc potentiellement trouver des ingrédients composés à 51% de naturel et 49% de chimique dans la catégorie « dérivé naturel ». Le silicone est un exemple concret de cette catégorie.
– Absence de liste noire :
la norme ISO 16128 ne dresse pas de liste d’ingrédients et de process interdits.
Donc les composants synthétiques polémiques comme les phénoxyéthanol, les parabènes, etc. pourront côtoyer les ingrédients naturels sans que les consommateurs novices ne le remarquent.
Prenons un exemple. Vous fabriquez une crème et y mettez 80% d’ingrédients naturels selon les définitions de l’ISO 16128.
Vous pouvez afficher sur le packaging « contient 80% d’ingrédients naturels ».
Un consommateur novice va se dire « ah c’est chouette », mais il ne verra pas tout ce qui est potentiellement nocif dans les 20% restants.
Et le pire, c’est que si le pourcentage est de 95% ou plus, la marque pourra écrire « produit naturel » (règlementation de l’ARPP). Et cela, quelle que soit la composition des 5% restants…
– Absence de contrôle :
Avec les labels bio actuels comme Cosmébio, il y a des contrôles réguliers pour s’assurer que les produits respectent les conditions des cahiers des charges bio et que les packagings sont clairs pour les consommateurs.
Avec la norme ISO 16128, les pourcentages calculés et affichés se baseront sur les déclarations des fournisseurs d’ingrédients…
Aucun organisme indépendant n’ira vérifier que ce qui est dit est vrai.
Il faudra compter sur la bonne foi des fournisseurs.
Les marques pourront revendiquer un pourcentage de bio plus ou moins élevé (même mécanisme que (…) pour le naturel). Pour afficher « produit biologique », il faut être à 100% bio (règlementation ARPP). Cela dit, les marques contenant un pourcentage de bio sans l’être à 100% pourront toujours construire les packagings de telle sorte que le mot bio ressorte bien et que le consommateur soit trompé.
Nous conseillons donc aux consommateurs de chercher le label Cosmébio pour être sûrs que la compo d’un produit est clean et que son process de fabrication est respectueux de l’écosystème global. »
Si le sujet vous intéresse, je vous publie ici une partie du communiqué de presse de la FEBEA (Fédération des Entreprises de la BEAuté => Ceux qui se frottent les mains) et le communiqué de réponse du Goupe Ecocert (Leader Mondial de la Certification en Agriculture Biologique et Cosmétique Biologique => Ceux qui s’inquiètent pour le consommateur).
Histoire de voir directement de quoi il retourne : il est important de vérifier ses sources afin de se faire un avis constructif !
Vous noterez tout de même que la FEBEA affirme :
« Cette norme a été élaborée selon les règles habituelles de l’ISO : elle a réuni les parties prenantes des différentes régions du monde, y compris les labels privés européens, notamment COSMOS & NATRUE. Elle est le résultat d’un consensus entre les parties.«
Alors que le groupe Ecocert précise :
» Présent dans le groupe de travail de la norme, Ecocert s’est, comme COSMOS*, systématiquement opposé aux propositions jugées contraires ou trop éloignées des valeurs intrinsèques à l’agriculture biologique et regrette que certaines de ces dispositions aient malgré tout été adoptées et publiées dans la norme. »
Dans ma maison à moi, on appelle ça du foutage de gueule fichage de tête.
Ah, et, euh, puisqu’on est à Halloween, j’ai une petite blagounette un peu flippante, en trois mots :
« Nuage de Tchernobyl« .